Article paru dans Science et Santé
Par Aline Richard —
La méditation soigne le corps et l’esprit (et c’est la science qui le dit)
Don’t worry. Be happy… Et pour cela, rien ne vaut 25 petites minutes de méditation pratiquées pendant seulement trois jours, assurait une étude du département de psychologie de l’université Carnegie Mellon, publiée en juillet 2014.
Pour démontrer les bienfaits de cette technique ancestrale, les scientifiques ont mené leur expérimentation sur 66 volontaires: après s’être concentrés sur le moment présent tout en travaillant leur respiration, ces derniers ont été soumis à des tests de stress où, par exemple, ils devaient résoudre des problèmes de maths sous le regard sévère d’examinateurs. Le groupe entraîné à la méditation a affirmé ressentir moins de stress que le groupe témoin. Pourtant, leur niveaux de cortisol, l’hormone de l’angoisse, étaient élevés. Conclusion des chercheurs: la méditation, qui demande un effort cognitif important à ceux qui ont peu de pratique, produit très rapidement des résultats positifs sur le bien-être psychique, mais peut-être au prix de changements physiologiques, hormonaux en l’occurence.
Autant dire que méditer n’est pas forcément la panacée largement vantée ici et ailleurs, pour arrêter de fumer, soulager le mal de dos, être plus créatif… Jusqu’à récemment, d’ailleurs, la méditation était regardée avec méfiance par le monde de la recherche qui la considérait, au mieux comme un avatar du New Age à la californienne, au pire comme une pseudo-science du même acabit que l’homéopathie. Il faut dire que l’origine religieuse de la pratique, aujourd’hui étroitement associée au boudhisme, fait grincer les dents des rationalistes. A tel point qu’il y a quelques années, l’invitation faite au dalaï lamad’intervenir devant la Société américaine des neurosciences à Washington avait suscité une pétition hostile de quelques centaines de scientifiques, qui estimaient qu’un religieux n’avait rien à faire dans un tel lieu.
Depuis, les positions ont largement évolué. En France, le grand public connaît bien Matthieu Ricard, à la fois docteur en génétique cellulaire et moine tibétain.
Mesure de l’activité cérébrale
Ce sont les boudhistes qui, les premiers, ont sollicité les scientifiques pour que des études indépendantes soient menées sur les effets de la méditation. Au début des années 2000, on a ainsi commencé à mesurer l’activité cérébrale de pratiquants, novices et confirmés, grâce à des outils sophistiqués comme l’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf). Et l’on s’est aperçu, au fil des études, que non seulement le cerveau des adeptes en train de méditer différait de l’organe «au repos», mais que l’acte régulier modifiait durablement le fonctionnement cérébral.
C’est en tout cas ce qu’ont montré plusieurs publications récentes: elles pointent chez les méditants une augmentation de la densité de matière grise (constituée de neurones, en opposition à la matière blanche faite de fibres nerveuses) au niveau de l’hippocampe, une structure cérébrale que l’on sait importante pour la mémoire et l’apprentissage; et, dans le même temps, une décroissance de cette même matière grise dans l’amygdale, autre structure qui, elle, est impliquée dans des émotions liées à la peur, à l’anxiété et au stress. Conséquence: des adeptes plus sereins.
Des neuroscientifiques de l’Hôpital général du Massachussets, aux Etats-Unis, l’ont démontré sur un groupe de novices méditant depuis huit semaines. Lors d’une séance de visionnage de photos de tonalités positive et négative, l’amygdale des participants s’est montrée moins sensible, comme si leur réponse émotionnelle était devenue plus mesurée. C’etait spécialement le cas dans le groupe des pratiquants de la méditation dite de pleine conscience, qui consiste à être attentif à ce que l’on ressent, sans se concentrer sur un sentiment ou un objet particulier.
Si la méditation est capable de reconfigurer le cerveau –un organe que l’on dit «plastique»–, elle est aussi à l’origine de changements positifs très concrets pour notre santé physique et mentale. En premier lieu, elle apaise l’angoisse en agissant, on l’a vu, sur les zones cérébrales impliquées dans l’anxiété. Elle serait aussi efficace pour lutter contre la dépression, selon un étude publiée en avril dernier dans la revue médicale The Lancet. Une équipe de psychologues de l’université d’Oxford ont ainsi comparé deux traitements, l’un par antidépresseurs, l’autre par thérapie inspirée des principes de la méditation de pleine conscience, et leur ont trouvé une efficacité semblable. De quoi instaurer la méditation comme solution alternative aux médicaments psychotropes, comme le propose d’ailleurs le service du psychiatre Christophe André à l’hôpital Sainte-Anne à Paris.
Le corps, lui aussi, est concerné. Si elle ne guérit pas tous les bobos, et certainement pas les maladies graves, la méditation semble être efficace contre la douleur, nous indique une étude américaine parue en 2011 dans la revue Journal of Neuroscience. Les volontaires, que l’on a brûlés pendant quelques minutes à la jambe tandis que l’on réalisait une imagerie de leur cerveau, ont évalué à la baisse l’intensité de leur douleur: dans le cas de ce tout petit groupe (15 personnes), la méditation s’est montrée plus efficace que la morphine! De même, dans le cas de douleurs chroniques au cou, la méditation semble soulager les patients, sans que l’on puisse évaluer précisément si elle agit sur les voies de la douleur ou simplement sur l’anxiété qui accompagne ces pathologies.
Un frein au déclin cérébral?
Le meilleur est pour la fin… Les effets bénéfiques de la méditation iraient même jusqu’à freiner le déclin cérébral dû à l’âge. Une équipe de l’université de Californie à Los Angeles a ainsi comparé les pertes de matière grise, qui accompagnent inéluctablement la vieillesse, chez des méditants et pour un groupe témoin. Les adeptes présentaient une réduction moins marquée du volume cérébral. Ce qui est cohérent avec ce que l’on sait, par ailleurs, du fonctionnement cérébral: la méditation qui est une activité mentale intense, fait «travailler» le cerveau, qui restera ainsi mieux connecté.
Une biologiste va elle encore plus loin: la méditation permettrait carrément de protéger notre ADN des effets du vieillissement! Ce n’est pas là de la pseudo-science. Elizabeth Blackburn, la chercheuse en question, a remporté le prix Nobel de médecine pour l’identification de la télomérase, enzyme qui rallonge les télomères, sortes de chapes protectrices à l’extrémité des chromosomes dont la longueur est liée à l’âge. Elle a été aussi l’une des premières à faire le lien entre stress et raccourcissement des télomères, peut-être en raison de la baisse de l’activité de la télomérase, qui protège le bout des chromosomes: tout se passe comme si les tensions nous faisaient vieillir plus vite. A la fin des années 2000, Blackburn s’est intéressée aux facteurs qui permettraient de préserver les télomères. Et a réalisé une étude sur des adeptes de la méditation partis trois mois dans une retraite dans les montagnes du Colorado. Le niveau de télomérase des méditants était de 30% plus élevé que celui d’un groupe témoin. Evidemment, il ne s’agit là que d’une étude pilote qui demande à être reproduite. Mais elle laisse à méditer.
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